Les pesticides systémiques et la Nature
Les pesticides systémiques et la nature
Bourdon sur Epilobe en épis - photo js (C)
Depuis plusieurs années, les scientifiques n’ont de cesse d’attirer l’attention des décideurs, et aussi d’un plus large public, sur le caractère hautement dangereux des pesticides systémiques dits “néonicotinoïdes”, mis sur le marché depuis plus de 20 ans.
Caractère dangereux des pesticides
Un pesticide systémique est un pesticide qui pénètre dans les tissus de la plante et est véhiculé par la sève. Il est très efficace contre les insectes suceurs, piqueurs ou phytophages.
Ce genre de substance n'a théoriquement pas d'effet sur les insectes ne consommant pas de sève ou fragments issus de la plante traitée. Cependant, certains peuvent être touchés lors de l'application du produit.
Si le grand public a été sensibilisé au caractère dangereux des pesticides par la problématique des abeilles, il ignore souvent qu’il y a de nombreux autres domaines qui subissent les conséquences négatives de l’utilisation de ces poisons. Ils vont de la perte de biodiversité à la santé humaine en passant par les mammifères, les oiseaux et l’ensemble du milieu aquatique.
Un groupe de chercheurs s’est penché sur le problème. Au terme de longues journées de discussions ce groupe a décidé d’examiner tout ce qui avait été publié dans la littérature scientifique sur les insecticides systémiques dits “néonicotinoïdes”.
Cette nouvelle génération de molécules, mise sur le marché dans les années 90, semble être un élément déterminant pour expliquer la situation.
Le point de départ de ces recherches est l’observation par de nombreux entomologistes de la disparition de plus en plus marquée des insectes et des araignées.
J’ai, comme naturaliste, fait les mêmes observations ces dernières années.
En fait, ce déclin accéléré de toutes les espèces d’insectes a déjà été observé depuis les années 90.
Selon les scientifiques, l’effondrement des abeilles domestiques n’est que la partie visible de ce phénomène aux conséquences considérables pour l’ensemble des écosystèmes.
Au fil des mois, un petit groupe de chercheurs est devenu un consortium international – le ‘Groupe de travail sur les pesticides systémiques (TFSP, pour Task Force on Systemic Pesticides). Il est composé d’une cinquantaine de scientifiques en provenance d’une quinzaine de pays, pour la plupart universitaires et/ou chercheurs au sein d’organismes publics.
Une vaste étude scientifique dénonce le rôle des pesticides systémiques dans l’érosion globale de la biodiversité.
La ‘Task Force on Systemic Pesticides’ (TFSP) vient de sortir une étude édifiante sur les conséquences multiples de l’usage de ces pesticides.
Notre environnement agricole est menacé
Le résultat de leurs cinq années de travail, paru dans la revue Environmental Science and Pollution Research, parue en juin 2014, rapporte que «Les preuves sont très claires. Nous assistons à une menace pour la productivité de notre environnement agricole et naturel. Loin de sécuriser la production alimentaire, l’utilisation des néonicotinoïdes met en péril les pollinisateurs qui la rendent possible.»
http://link.springer.com/journal/11356
Au total, les experts du TFSP ont passé en revue quelque 800 études publiées dans la littérature savante sur ces insecticides. Ils en ont tiré sept longues synthèses thématiques sur leurs modes d’action, leur devenir dans l’environnement, ou leurs impacts sur divers organismes.
Ces molécules (imidaclopride, thiaméthoxame, clothianidine et fipronil) se partagent aujourd’hui environ 40 % du marché mondial des insecticides agricoles et représentent un marché de plus de 2,6 milliards de dollars (1,9 milliard d’euros). Elles se distinguent d’abord des générations précédentes par leur toxicité, 5 000 à 10 000 fois celle du célèbre DDT (Dichloro Diphényl Trichloréthane).
Les populations de nombreuses espèces fragilisées.
Leur mode d’application est également différent. Ces produits sont en effet non seulement appliqués en pulvérisation, mais sont aussi utilisés en traitement des sols et en enrobage des semences, dans le cadre d’une utilisation systématique et préventive.
Or, jusqu’à plus de 90 % des quantités de pesticides ainsi utilisés n’est pas absorbée par les plantes au cours d’une seule saison.
Ces produits s’accumulent ainsi dans les sols où ils persistent de plusieurs mois, voire plusieurs années.
De plus ces molécules sont hautement solubles dans l’eau et peuvent migrer, via les eaux souterraines, et contaminer des zones n’ayant jamais été traitées. Elles polluent également les réserves d’eaux potables.
Selon le TFSP, «Il y a des preuves fortes que les sols, les cours d’eau et les plantes, dans les environnements urbains ou agricoles, sont contaminés, à des concentrations variables, par des mélanges de ‘néonicotinoïdes’, de ‘fipronil’ et de leurs produits de dégradation».
Les experts du TFSP ont noté, par exemple, que de ‘l’imidaclopride’ a été détecté dans 91 % de 74 échantillons de sols français analysés en 2005. Or seuls 15 % des sites avaient été traités.
Les concentrations relevées ne conduisent généralement pas à une toxicité aiguë.
Mais l’exposition chronique à ces faibles doses fragilise les populations de nombreuses espèces : troubles de reproduction, facultés de survie réduites.
Cette «contamination à large échelle» de l’environnement est, selon le TFSP, un élément déterminant dans le déclin des abeilles et des bourdons.
Pour les papillons, les tendances dégagées sont de l’ordre d’une réduction de moitié des populations européennes en vingt ans. Pour l’entomologiste hollandais M. Bijleveld, «le déclin en cours de l’ensemble des insectes relève d’un effondrement brutal».
Le déclin des insectes est aussi celui des oiseaux
L’ampleur des dégâts se mesure également sur les niveaux supérieurs de la chaîne alimentaire, comme les oiseaux, dont plus de la moitié sont insectivores.
De fait, le programme de suivi européen montre, par exemple, une perte de 52 % des oiseaux des champs au cours des trois dernières décennies en France. Il faut cependant noter que d’autres facteurs entrent en ligne de compte.
Une variété d’autres espèces importantes pour les écosystèmes est également affectée par ces substances. En particulier, les micro-organismes du sol et les lombrics, animaux essentiels au maintien de la fertilité des sols.
On observe, par ailleurs, que toute la chaîne alimentaire, y compris les êtres humains, est touchée par ce problème.
L’ensemble des informations rassemblées par le TFSP ayant été publié, il reste à comprendre comment des effets d’une telle magnitude ont pu demeurer si longtemps sous le contrôle des autorités sanitaires. Seule l’Europe a commencé, en 2013, à pris des mesures.
La recherche en agronomie est sous la tutelle des pouvoirs publics, qui sont généralement plus soucieux de ne pas gêner l’activité économique et donc l’emploi, que de la protection de la Nature.
De plus, les agences de sécurité sanitaire ne se sont guère préoccupées de ce problème car ces substances ne posent, soi-disant, pas de graves problèmes pour l’Homme.
Il ne faut pas oublier non plus l’influence croissante des grandes firmes agro-alimentaires.
Il n’en reste pas moins que ces pesticides ont, et auront encore longtemps, un impact humain et économique négatif important.
J’ai adapté, ce texte d’un article Fédération Inter-environnement Wallonie, lequel reprend un article de Stéphane Foucart,
Journaliste au Monde ( http://www.iew.be/spip.php?article6606)
Autres sources :
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article32347
Je vous suggère de consulter les documents originaux pour plus de détails.
J‘attends, bien sûr, vos commentaires.
Jacques Schwers
Le 6 août 2014
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